LES MÉDIAS EN PLEINE COMMUNICATION DE CRISE
La difficulté des médias à continuer à récolter et diffuser l’information
Depuis le début de la crise sanitaire mondiale liée au Coronavirus, les médias sont en première ligne, faisant l’intermédiaire entre les autorités politiques et médicales, et les populations en attente de réponse. Après avoir communiqué sur la progression de l’épidémie à travers le monde et plus récemment l’Europe, les médias se retrouvent aujourd’hui, comme tout le reste de la population, soumis aux mesures de confinement.
Comment continuer à récolter les informations et les communiquer à la population lorsque les bureaux sont fermés, les employés confinés ? C’est le challenge auquel les médias font face actuellement.
Même si les journalistes sont encore officiellement autorisés à se déplacer, les grands médias souhaitent préserver la santé de leurs employés et appellent donc les journalistes à se confiner le plus possible. Quant à ceux qui sont encore mobiles, ils sont confrontés à des témoins réticents à l’idée de contact humain et ainsi de plus en plus nombreux à décliner les interviews organisées.
Au-delà de la récolte de l’information, les médias font face à un deuxième enjeu majeur : les bureaux, régies et plateaux sont fermés. Il est donc aujourd’hui très compliqué d’enregistrer les émissions, radios comme télévisées. De plus les programmes déjà enregistrés et planifiés pour les semaines à venir ne sont plus forcément en cohérence avec l’actualité. De même pour les médias sportifs, avec des compétitions en tout genre annulées ou reportées. Les médias se voient alors dans l’obligation de modifier leurs programmes et de continuer à informer les populations en répondant à leurs appréhensions du moment. L’enjeu est d’autant plus important durant cette période de confinement, puisque les médias représentent l’information et le lien social.
Ainsi le premier défi pour les médias est d’affronter cette crise en continuant à informer de la bonne manière, et en accompagnant les populations pendant cette période de confinement.
La bataille des médias contre les fausses informations
A l’heure d’une crise sanitaire mondiale, aux conséquences lourdes, de plus en plus d’informations circulent, relayées massivement sur les réseaux sociaux. Les fausses informations sont légion et peuvent engendrer de la panique ou de la colère au sein de la population. Les médias ont entamé une véritable chasse afin de les limiter au maximum. Pour cela, de nombreuses mesures sont prises, notamment par les journaux et médias, pour rendre les informations vérifiées plus accessibles à tous, mais également pour contrer la diffusion des fausses informations.
Les différents médias et plateformes analysent ces fake-news afin de démontrer qu’elles ne correspondent pas à la réalité scientifique ou politique. Ils communiquent ensuite à travers des articles ou des reportages appelés « fact-checking ». C’est le cas de cet article, publié par le journal Le Monde, démontrant la fausse information d’un message circulant sur les réseaux sociaux.
Les initiatives des médias face à la crise
Face à l’ampleur de la crise sanitaire, les médias ont un rôle majeur à jouer : informer les populations confinées chez elles, répondre à leurs questions et interagir afin de maintenir le lien social nécessaire à une nation. La première initiative prise par les médias est logiquement d’assurer aux lecteurs, auditeurs et téléspectateurs un accès optimisé à l’information sur la situation actuelle, pour assurer une information correcte et quasi-continue sur l’avancée de l’épidémie et sur les mesures prises par les gouvernements.
De grands journaux comme le New York Times aux États-Unis, ou Le Monde en France, ont décidé de lever le paywall sur leurs articles numériques concernant l’épidémie. D’autres, comme Heidi News en Suisse ont mis en place des newsletters spéciales coronavirus, permettant d’envoyer chaque jour à la même heure un résumé de la situation aux abonnés.
Au-delà de l’information, les médias souhaitent interagir avec leurs publics – enjeu d’autant plus stratégique depuis que l’ère numérique a mis en péril leurs business modèles traditionnels. C’est pourquoi de nombreux médias créent des lives, des antennes ouvertes permettant de comprendre les attentes du public et leurs interrogations afin de mieux y répondre. L’émission Forum, diffusée sur RTS la Première, a ainsi proposé dimanche 22 mars une émission spéciale Coronavirus afin de répondre aux questions des auditeurs.
Notons également la belle initiative de RTS La Première, qui transforme son émission de radio « Vacarme » en «Brouhaha » pour répondre quotidiennement aux interrogations des enfants jusqu’à la réouverture des écoles.
Autre fait remarquable, les médias se mobilisent pour offrir un accès renforcé à l’information, à la culture et à l’apprentissage, notamment pour les écoliers et étudiants qui se voient privés de cours présentiels, parfois seulement quelques mois avant leurs examens. Les médias mettent alors en place un accès gratuit à l’éducation avec notamment des plateformes d’apprentissage et des fiches de révisions en ligne. C’est le cas d’Arte via sa plateforme Educ’Art, ou encore de la Radio Télévision Suisse qui propose, à travers sa plateforme RTS découverte, des dessins animés, documentaires et vidéos pour les enseignants comme les écoliers.
En Italie, le journal national La Republica, propose une newsletter à destination des parents, apportant conseils et idées pour occuper petits et grands pendant le confinement.
De son côté, le monde du divertissement doit également adopter de nombreuses mesures, les plateaux de tournages et studios d’enregistrement étant fermés pour respecter les normes sanitaires. Les chaînes de radio et télévision doivent alors trouver des solutions pour continuer à diffuser du contenu pour divertir leur public, tout en restant cohérent avec l’actualité.
Si certains médias ont décidé d’annuler la diffusion de programmes, d’autres trouvent des solutions techniques. RTS Info par exemple a équipé au maximum ses collaborateurs d’outils leur permettant d’intervenir à l’antenne depuis chez eux, de manière à pouvoir continuer à diffuser leurs émissions et être présents aux côtés de leurs auditeurs. Notons également les cas de plus en plus nombreux d’artistes accordant des interviews ou enregistrements depuis leurs propres domiciles – Jean-Louis Aubert offrait ainsi une improvisation en direct sur France-Inter, l’antenne assumant pleinement la mauvaise résolution du son au profit de l’échange humain.
Les chaînes de télévision modifient aussi leur programmation, en mettant en place des émissions spéciales, donnant la parole au public au sujet de cette crise. RTS a ainsi marqué les esprits en Suisse romande avec une émission spéciale de 2 heures en dialogue avec le journaliste Darius Rochebin. D’autres achètent des films ou documentaires afin de divertir leurs téléspectateurs. C’est le cas notamment des chaines de sport, qui se retrouvent en difficulté face à l’arrêt de toutes les compétitions sportives.
La chaîne Canal+ a décidé de passer en clair pour toute la durée du confinement et offre également à ses abonnés l’accès aux chaînes de cinéma et jeunesse – action marketing ou citoyenne, mais dans tous les cas fort appréciée par le public.
La chute des annonces publicitaires
D’un point de vue économique, les médias sont confrontés à un autre défi majeur : les annonces publicitaires chutent et mettent en péril les titres qui en dépendent. Dans ce contexte particulier de confinement, de ralentissement général des activités et de la consommation dans de nombreux secteurs de marché, les annonces publicitaires ne sont au goût du jour ni pour les marques ni pour les lecteurs. La baisse considérable de cette source de revenu représente une réelle menace pour certains médias. C’est le cas notamment du magazine suisse 360°, qui doit reporter la publication de son prochain numéro. En Belgique, le journal Le soir, en grande difficulté également, vient de lancer un plan d’économies. Une réelle claque pour les médias qui font paradoxalement face au même moment à une demande d’informations historiquement élevée.
Le mot de la fin
Ainsi les médias vivent au cœur de la crise et doivent faire face à de puissants défis. Renforcés dans leur rôle sociétal, peut-être même stimulés par les difficultés rencontrées, ils font preuve jusqu’à présent d’une remarquable réactivité et créativité pour continuer à remplir leur rôle et satisfaire leurs publics dans cette période difficile. Nous leur rendons hommage en pensant que la mission du véritable journalisme s’en verra sans doute mieux perçue et valorisée.
Cover Illustration: Photo by Elijah O’Donnell on Unsplash
Sources : Le Monde, New York Times & RTS